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![]() Le 30/05/2017 à 20:36:40 | LA CHUTE D'ATSAMI PREMIÈRE PARTIE Deux ans. Voilà deux ans que les Sires Adrentar et Dahokan avaient fondé leur guilde. Pendant tout ce temps... rien ne s’était passé. Les tentatives des Chevaliers d’Atsami pour se faire connaître avaient été vaines et les seuls membres étaient quelques-uns des fondateurs de l’Ordre. Leurs destins respectifs les avaient menés à se séparer. Néanmoins, ils demeuraient tous liés par une volonté commune : apporter le bien en Atsami en respectant le code auquel ils étaient dévoués. Les bottes de fer s’enfoncèrent dans le sable mouillé, n’étouffant que très légèrement le tintement métallique accompagnant éternellement les déplacements du chevalier. L’homme, vêtu d’une armure blanche, se tenait dans la devanture d’une grotte. La fraicheur salée de l’entrée contrastait avec la chaleur de l’extérieur. Une dizaine de pas plus loin, l’obscurité masquait le fond de la grotte. Lentement, l’homme brandit une torche et la teint à côté de lui, à une hauteur à peine plus importante que le sommet de son heaume. Pour le spectateur de cette scène, cet homme devait paraître fou, ou étourdi, car la torche était éteinte et n’éclairait en rien les environs. Toutefois, dans un grondement rauque, un jet de flamme surgit des naseaux d’un dragon qui accompagnait l’homme et qui, jusque là, était resté en retrait. L’instant d’après, une pâle lueur repoussait les ténèbres de la grotte. Au fond de son armure, Sire Adrentar n’était pas à son aise. L’humidité ambiante le dérangeait et, une nouvelle fois, il regrettait de ne plus arborer ses vêtements de voyageur, qu’il avait eu l’habitude de porter de longues années, avant de devenir chevalier. Désormais, son armure toute entière était le symbole de la voie qu’il avait décidé d’emprunter. La retirer revenait à renier son serment. Sa vie était vouée au service des autres et le port de cette armure n’était rien comparé à l'intégralité des conséquences d'une telle décision. Enfin, il n’entrait pas dans cette grotte pour rendre service à qui que ce soit. Il y a deux ans, en parcourant l’un des grimoires de sa bibliothèque, Sire Adrentar avait découvert l’existence d’une ancienne relique : Elignear, un bouclier forgé par un dragon d’un temps ancien. En réalité, le chevalier n’avait que très peu d’informations sur ce bouclier. C’est pourquoi il s’était lancé dans une longue quête qui l’avait conduit jusqu’ici. Il avait parcouru de nombreuses lieues afin de connaître l’histoire de ce bouclier et l’emplacement où il pouvait le trouver. Désormais, il se tenait à l’entrée de cette grotte qui, si ses recherches s'avéraient exactes, recelait une salle funéraire dans laquelle devait reposer Elignear. Alors que tout laissait croire que Sire Adrentar touchait enfin au but de sa longue quête, il n'éprouvait aucunement l'excitation qu'il aurait du ressentir dans ce genre de situation. Évidemment, il adoptait la prudence de mise lorsque l'on rentrait dans une grotte abandonnée. Toutefois, ce qui réfrénait son enthousiasme était la série de désillusions qui avait entaché chaque étape de son voyage, alors qu'il réalisait que le bouclier restait inaccessible. À chaque nouveau lieu qu'il explorait, le duo découvrait que le bouclier n'y était pas et qu'il devait se rendre ailleurs. Au fil des années, Sires Adrentar et Dahokan avaient retracé l'histoire d'Elignear. Forgé par le premier Dragon Sylver dans le but de protéger son dragonnier, ce bouclier possèderait une aura magique protégeant son porteur, selon la légende, de tout mal. Il avait été transmis au fils du dragonnier qui l'avait lui-même remis à sa propre descendance, jusqu'à ce que les traces d'Elignear disparaissent. Sire Adrentar avait fini par la retrouver. Le bouclier avait voyagé de mains en mains, se faisant dérober au grès des escarmouches, jusqu'à se retrouver au bras d'un fier guerrier d'Eroggfar. Sires Adrentar et Dahokan avaient du se rendre dans cette contrée, située au Nord Ouest d'Atsami. Ces « Landes Gelées », comme on les appelait, étaient très difficiles d'accès. Seule la voie des airs permettait de s'y rendre, et ce n'était pas un voyage aisé. Là-bas, les deux voyageurs y rencontrèrent un peuple guerrier peu loquace. Devant la méfiance des rares personnes qu'ils rencontrèrent, ils poursuivirent leurs recherches pour constater, à leur dépit, que des pirates auraient pris possession d'Elignear suite à un raid. Leurs traces semblaient remonter à un archipel situé au Sud d'Eroggfar. La traversée fut encore plus longue et très éprouvante pour Sire Dahokan. Sur cet archipel, les voyageurs se reposèrent longtemps et finirent par s'intégrer à la tribu de pêcheurs qui avait accepté de les accueillir. D'abord méfiants face à ces visiteurs incongrus, les villageois s'étaient habitués à leur présence. Pendant de longues lunes, Sire Adrentar avait troqué son épée contre des filets, pour vivre parmi la tribu et apprendre à pêcher comme eux. Curieux, il s'était initié à leurs cultes et avait écouté leur ébahissement face à l'Océan, qu'ils semblaient vénérer comme une entité divine. Sire Adrentar s'était permis de s'attarder sur les Îles Est Argent. Il ne voulait pas répéter ses erreurs et désirait éviter la précipitation dont il avait pu faire preuve par le passé. Une précipitation qui lui avait été fatale. Il se souvenait avoir perdu tout ce qu'il avait, parce qu'il avait été trop obsédé par le seul objet de sa quête. Du coup, rien ne le retenait réellement sur Atsami. Les Sires Seregis, Enalys et Xul étaient partis pour Naxo et n'avaient pas donné de nouvelles depuis. Quant à Dame Elyra et son compagnon Gwaihir, Sire Adrentar ignorait ce qu'ils étaient devenus. Il espérait qu'ils se portaient bien et se demandait si leurs routes se recroiseraient un jour. Le chevalier avait même perdu tout contact avec celle qui avait été sa femme : la lunaire Dame Nyscalan et son dragon Helmoski. Peut-être que leur mariage avait été trop précipité ? Sire Adrentar avait du mal à comprendre l'alchimie d'émotions qu'il avait ressenti en rencontrant Dame Nyscalan. Était-ce lié à son arrivée chamboulée en Atsami, la fondation de la guilde et les retrouvailles avec des personnes qu'il avait cru ne jamais voir à nouveau ? Il est vrai que cet enchaînement d'événements considérables avaient du perturber le dragonnier, au point de lui faire perdre son discernement sur ce qu'il avait réellement éprouvé. Au fond de lui, il ne parvenait pas à oublier la femme qu'il avait aimée autrefois. Pourtant, il la savait condamnée et, lui, était voué à ne plus jamais la rencontrer. Son amour perdu avait sombré dans un sommeil éternel, dont Sire Adrentar n'était jamais parvenu à la réveiller. La rage au ventre et le cœur empli de désespoir, il avait été contraint d'abandonner sa femme. Aujourd'hui encore, la douleur de cette perte continuait de le hanter. Il avait espéré qu'avec les changements qui avaient bouleversé sa vie, il finirait par en faire le deuil. Mais c'était peine perdue... Était-ce pour cela que Sire Adrentar avait pris la route ? Recherchait-il une relique perdue, ou fuyait-il un royaume qui lui avait tant pris ? Un royaume recelant une histoire qui l'avait déchiré ? C'est à l'entrée de la grotte que le chevalier commença soudainement à se poser ces questions. Son allure, jusque là décidée, parut faiblir. Ce n'était pas le moment de penser à tout cela. Lorsqu'on s'enfonçait dans le tombeau d'un pirate, il y avait d'autres affaires à régler. Ce n'était aucunement l'heure de s'attarder à de telles considérations. Pito, comme Ayumih, Draginos et Rockeuse, avait péri il y a maintenant des années. Pour l'heure, Sire Adrentar devait se préoccuper de l'avenir : de Sire Dahokan et des Chevaliers d'Atsami. En l'occurrence, la priorité était Elignear. Il avait consacré deux années de sa vie pour retrouver un bout de métal forgé : il espérait que cela n'avait pas été vain. Oui, mais pourquoi retrouver cet artefact ? Qu'est-ce que cela allait apporter à Sires Adrentar et Dahokan ? Avaient-ils réellement besoin de ce bouclier magique ? Ces questions, le duo se les était bien évidemment posées, surtout dans les terres arrides d'Eroggfar, ou lors de la traversée difficile jusqu'à Ilsand, l'île sur laquelle ils se trouvaient. En fait, Sire Adrentar se questionnait à chaque difficulté de sa quête. Le jeune homme soupira et reprit sa route, sous le regard étonné de Sire Dahokan. Ressentant l'anxiété de son comparse, le dragon tenta de changer de sujet. S'adressant comme à son habitude par la pensée, il déclara : - Fais-moi penser à ne jamais devenir pirate. Je n'aimerais pas être enterré ici. Sire Adrentar se contenta de sourire, derrière son heaume. Sire Dahokan sentit l'effet de sa remarque et esquissa un soupir de satisfaction, laissant échapper un peu de fumée de ses naseaux. L'endroit était exigu. Les reflets de la flamme surplombant la torche dansaient sur les parois de la grotte, en révélant la nudité. Le chemin faisait un coude vers la droite, menant à un une sorte de pièce au milieu de laquelle se trouvait un pauvre tombeau. L'endroit, dans son ensemble, semblait bien misérable et ne correspondait aucunement à ce que s'était imaginé Sire Adrentar. Les lieux n'étaient pas dignes de la relique qu'ils étaient sensés abriter ! Précautionneusement, le chevalier s'avança dans la pièce, craignant que le moindre piège ne s'active. Mais il n'en fut rien. Sire Dahokan et lui examinèrent chaque recoin de l'endroit, avant d'accorder leur attention au tombeau, élément central de la salle. Le sarcophage ne comprenait pas de couvercle, et l'on pouvait directement y contempler un squelette, sobrement vêtu -les habits avaient résisté au passage des siècles- et, accueillant sur sa poitrine, un bouclier magistral. Circulaire, sa couleur était verte et ses contours couleurs or. Des cercles dorés ornaient l'anneau extérieur alors, qu'en son centre, un disque marron décorait l'artefact. L'objet était joli sans pour autant être resplandissant. Néanmoins, Il paraissait rayonner dans la pénombre de la grotte. - Il doit y avoir un piège, songea Sire Adrentar -ce qui lui suffit à se faire comprendre par Sire Dahokan. - Effectivement, cela est trop aisé, soutint le saurien. À la lumière de la torche, Sire Adrentar contempla la relique. Après tant de recherches, se trouvait-il réellement à quelques centimètres d'Elignear ? Lentement, il approcha sa main du bouclier, pour le toucher. | |
![]() Le 30/05/2017 à 20:53:01 | Un an auparavant... Le vent était brutal cette nuit-là, frappant violemment tout ce qui était sur son passage, arrachant le toit de quelques vieilles maisons devenues trop fragiles et brisant divers arbres. Les lions et les tigres s'étaient mis à l'abri, le peu d'habitants restants s'étaient enfermés à double tour chez eux. Il n'y avait aucun bruits, juste la mélodie du vent résonnait sur les terres... Dans un endroit au beau milieu du Domaine de la Nuit, parmi les nombreuses maisons vides ou encore peu habitées, se trouvaient des êtres que l'on avait oubliées avec le temps... Elles étaient portées disparues depuis maintenant deux longues années, sans avoir laisser aucune trace. Qu'était-il vraiment arrivé à Ayumih et Rockeuse ? À l'intérieur de cette demeure, construite il y a de cela des années, les différents objets présents dans la pièce étaient brisés en mille morceaux, les ressources pillés et les vêtements étalés par terre. On pouvait tout de même apercevoir dans un coin de la pièce une armure noire avec une épée accrochée à sa gauche, plus ou moins intactes. Certains détails, tel que des rayures, prouvaient qu'elles avaient servi pendant de longues années et de grandes batailles. Un grand lit, posé au coin gauche de la pièce, semblait également en bon état. Une jeune femme était allongée dessus, immobile. Les yeux clos, ses longs cheveux blancs tombaient le long de ses épaules et ses mains étaient jointes entre elles, montrant une alliance de couleur or à l'annulaire gauche. Les initiales « P&A » y étaient gravés. Elle avait aussi un collier de couleur émeraude autour du cou, qui semblait la protéger de tout mal, offerte par une personne chère à ses yeux autrefois. De plus, il y avait une dragonne, endormie devant la cheminée, qui ne passait pas inaperçue. Elle semblait être dans le même état que la jeune femme. Ses écailles de couleur glace brillaient de la même couleur que le collier de la dragonnière, dégageant une aura protectrice autour d'elle. La seule personne ayant été alertée par l'état critique des deux êtres, avait tout essayé pour les réveiller. Mais en vain, elle avait échoué et déserté les terres atsamiennes sans laisser aucune trace. Pito laissa seulement un dernier hommage avant de disparaître, en couvrant les alentours de la demeure de fleurs et de différentes statues. Puis, il disparut. Mais cette nuit-là, un miracle se produisit. Tout simplement grâce à un arbre qui se brisa devant la porte par la brutalité du vent. Plusieurs feuilles s'introduisirent et firent une valse au milieu de la pièce et une d'elle vint se poser délicatement sur le nez d'Ayumih. Une phrase que la jeune femme répétait souvent était que parfois, certaines situations pouvaient paraître difficiles mais la solution ne l'était pas forcément. Et cela en était bien la preuve puisque après quelques grimaces, elle finit par ouvrir les yeux. Elle mit du temps pour se remettre les idées en place, regardant la maison détruite sans pour autant se rappeler de quelque chose. Sauf une seule : Rockeuse. Ayumih se précipita vers sa dragonne, la regarda droit dans les yeux un court instant et se blottit contre elle. C'était le seul être envers qui elle pouvait totalement exprimer ses sentiments sans en avoir honte. - Rockeuse...qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi la maison est-elle détruite ? La dragonne ne dit pas un mot. Elle semblait être dans le même état. Soudain, elle écarquilla les yeux et fut prise d'une grande panique. Elle poussa un grand cri strident et commença à fouiller toute la pièce. Ne trouvant pas ce qu'elle cherchait, elle sortit en brisant le toit et commença à fouiller le jardin. Ayumih se précipita derrière elle et vit un paysage sombre : des feuilles mortes étalées un peu partout, des statues brisées et des arbres en piteux état. Combien de temps avait-elle dormi ? Il était impossible que tout cela se soit produit en une seule et unique journée. Ou même en quelques semaines. Elle s'approcha doucement de Rockeuse pour la calmer, puis lorsque cette dernière se retourna, Ayumih vit pour la première fois une larme coulée des beaux yeux de sa dragonne sans comprendre la raison de son chagrin. Perturbée et désespérée de ne savoir quoi faire, Ayumih tenta une nouvelle fois de s'approcher de Rock qui s'envola sans dire un mot vers l'ouest, la laissant seule au milieu de ce paysage sombre. La dragonnière s'assit par terre et contempla le ciel, ne comprenant rien de ce qui lui était arrivé. Tenant fermement le collier qu'elle portait autour du cou, ce dernier s'activa. Une voix mieleuse et tendre résonna dans sa tête. « Ce collier plus qu'un cadeau sera une protection et un souvenir. Il sera ta lumière à travers les ténèbres et ton réconfort dans la solitude. Où que tu sois (...) Unyviel t'aidera si tu as besoin d'aide. (...) j'espère que cette année en plus n'entamera pas cette innocence que renferme ton coeur.» Cette fois-ci, ce sont les yeux d'Ayumih qui s'emplirent de larmes. Elle ne se souvenait qu'à moitié de ce que représentait ce collier pour elle, et de ses souvenirs lorsqu'elle l'avait reçue mais elle savait qu'il était très important et qu'elle devait en prendre soin. Elle se releva et regarda en direction de sa maison à moitié détruite. - Certaines réponses se trouvent peut -être ici ? Ayumih serra son collier contre elle et rentra à la maison. La seule lumière présente dans la chambre était celle émise par la lune, dont la clarté se propageait uniquement sur la table de chevet posée à côté de son lit : il était impossible de chercher quoique ce soit avant l'aube, on ne voyait presque rien. La jeune femme se dirigea lentement vers son lit et s'assit, tenant fermement sa tête entre les mains comme-ci elle allait exploser d'une minute à l'autre. Elle remarqua après quelques secondes qu'un objet brillait sur la table de nuit. Elle le prit délicatement et remarqua que c'était une alliance, similaire à la sienne. Les initiales « P&A » y étaient gravés. Elle enleva la sienne et vit que la même chose y était inscrite. Elle se coucha sur son lit et analysa les deux alliances. - Qu'est-ce que cela signifie ? J'ai peut-être oublié certaines choses mais cela veut dire que j'étais mariée à un homme dont ni le nom ni le visage me vient à l'esprit ? C'est complètement ridicule. Elle jeta les deux alliances sur la table, énervée. Quelque chose au fond d'elle la rongeait. En dehors de Rockeuse, elle ne se rappelait de rien. Ni même des lieux où elle se trouvait actuellement. Elle soupira, la colère montant un peu plus chaque seconde dans son cœur et passa le reste de la nuit à cogiter, cherchant au fond sa propre identité. | |
![]() Le 10/06/2017 à 13:17:02 | C'était surprenant. Même à cet instant, au moment où son gantelet venait d'effleurer l'acier du bouclier, il ne s'était rien passé. Sire Adrentar avait peine à croire qu'il lui suffisait de se saisir de la relique et de repartir tranquillement, sans la moindre épreuve. Après tout le chemin parcouru par Elignear et les convoitises qu'il avait suscitées, le chevalier refusait d'accepter qu'il n'y ait aucun dispositif à sa protection. Pas de gaz s'échappant des murs, de rochers tombant du plafond, de mort-vivant se réveillant ou de sorcellerie s'activant. Non, rien de tout cela. Si Sire Adrentar n'était pas occupé à regarder tout autour de lui quel danger pouvait bien les guetter -son partenaire et lui- il aurait presque pu être déçu par l'absence de pièges. Étonnamment, tout se passa bien. Le chevalier put s'emparer du bouclier sans signer son arrêt de mort immédiat. Sire Dahokan observa la scène, également aux aguets. Tout aussi surpris que son compagnon humain, il parvenait à être encore plus tendu. Car, contrairement à l'homme en armure, le dragon aux écailles de glace ressentait une aura pesante, celle de la magie noire. Né Dragon d'Esprit, Sire Dahokan disposait d'une sensibilité à la magie importante ; bien plus importante que celle de son dragonnier. Néanmoins, leur lien mental suffisait à alerter l'humain du danger. C'est en partie pour cela qu'il restait nerveux car, malgré tous leurs efforts, les deux compagnons ne parvenaient ni à localiser la source de la magie, ni à identifier la menace qui risquait de s'abattre sur eux. Cette fois, Sire Adrentar tenait le bouclier bien en main. Il en profita pour l'examiner de plus près. Les reflets de la torche continuaient de scintiller dans l'acier lisse de l'artefact. Étrangement, ils paraissaient irréels, comme illusoire. Pourtant, le chevalier tenait bien la torche dans sa main droite. Et si c'était Elignear, l'origine de cette atmosphère maléfique ? Le jeune homme était tendu, très tendu. Il voyait des signes partout et cela ne faisait qu'accroître sa paranoïa. Il ne se sentira mieux qu'une fois sorti de ce tombeau ! Il sera grand temps d'examiner Elignear au grand air. Après un dernier regard évaluant les menaces éventuelles, le chevalier se décida à emprunter le chemin du retour. Au moment où il allait quitter la salle, il aperçut une silhouette qui lui barrait la route. Ah, enfin ! Voilà la fameuse épreuve qu'il attendait ! Il ne pouvait pas quitter ce lieu dignement sans le moindre test à surmonter. Encouragé par cette venue impromptue -mais tant attendue- Sire Adrentar s'empara de son épée. Dans son bras gauche, il tenait toujours Elignear, qu'il n'avait pas pris le temps d'enfiler. L'arme au poing, il ancra sa position prêt à accueillir son nouvel adversaire. Mais il se figea lorsqu'il le reconnut. Personne, pas même Sire Dahokan, ne put voir l'expression de stupeur qui se dessina derrière le heaume du chevalier. Il reconnaissait ses cheveux, qui virevoltaient doucement dans le vent. Malgré la pénombre, leur couleur claire dessinait le sommet du petit visage de la jeune femme. L'obscurité régnante empêchait d'en lire l'expression, mais Sire Adrentar reconnu immédiatement cette silhouette qu'il aurait pu distinguer parmi mille. À cette vue, son cœur se mit à battre la chamade. Dans un murmure, le dragonnier prononça ce nom qu'il ne pensait plus jamais évoquer : - … Ayumih ? Sa voix n'avait pas porté. C'était tout juste si la jeune femme avait pu l'entendre. D'ailleurs, elle ne réagit pas et resta plantée là, les bras croisés, dans l'entrée de la pièce funéraire, comme si elle attendait que le chevalier approche. Passé le choc émotionnel de l'ébahissement -Sire Adrentar ne s'attendait plus jamais à revoir la dragonnière qui, dans une autre vie, avait été sa femme- vint celui de l'incrédulité. Que faisait-elle ici ? Lentement, le jeune homme fit un premier pas en sa direction. Il resta un instant immobile, comme s'il redoutait que reprendre la progression allait la faire disparaître. C'était une crainte étrange mais, maintenant qu'elle se trouvait à quelques mètres de lui, il ne voulait pas qu'elle se volatilise. L'instant semblait tellement irréel, Sire Adrentar avait pourtant besoin de se trouver face à la jeune femme, de la toucher, de lui parler, pour vérifier qu'elle était bien là. Oh ! Elle avait bougé ! Le chevalier faillit se mettre à courir, terrorisé à l'idée qu'elle s'en aille. Toutefois, il réfréna son élan lorsqu'elle réalisa qu'elle s'était contentée de changer son pied d'appui. Elle adoptait visiblement une posture d'attente et refusait de faire le moindre pas vers lui. Pourquoi ? Allait-elle lui reprocher quelque chose ? Après tout, il l'avait abandonnée. Elle aurait raison de lui en vouloir, de l'avoir laissée à son sort et de ne pas lui avoir rendu visite lors de son arrivée en Atsami. Les gestes de Sire Adrentar étaient hésitants. Il posa un deuxième pied, gauche, vers Ayumih. Celle-ci décroisa les bras et les porta à sa taille, comme si elle constatait qu'une longue attente touchait à sa fin. Le chevalier put voir son buste se redresser et s'abaisser, alors qu'elle poussait un long soupir. Était-ce de la lassitude, ou partageait-elle la même angoisse que celle qu'il ressentait à l'instant ? Ce stress que l'on éprouvait lorsque l'on retrouvait quelqu'un que l'on n'avait pas vu depuis des années, et qu'on ne s'attendait pas à retrouver à cet endroit-là. C'était plus fort, encore, que le jour où Sire Seregis et la dragonne Enalys étaient entrés dans l'auberge où Sire Adrentar avait réuni ceux qui, par la suite, deviendraient les Chevaliers d'Atsami. Pourtant, le dragonnier se souvenait avoir été légèrement bouleversé par ces retrouvailles impromptues. Là, c'était tout autre chose, une véritable tempête. Il se savait redevable envers Sire Seregis, qui lui avait sauvé la vie. Là, il l'était encore plus envers Ayumih, qu'il avait privé de la sienne. Il lui avait promis son amour, pour mieux l'abandonner par la suite. Était-ce une larme qui coulait sur sa joue ? Non, pas celle d'Ayumih, dont il ne distinguait toujours pas les traits, mais sur celle d'Adrentar. Son cœur battait toujours aussi vite, et ce n'est non plus avec la joie des retrouvailles, mais la quête de pardon que le chevalier fit son troisième pas vers la femme qu'il avait chérie. Plus que jamais, il se sentait coupable. Coupable de l'avoir abandonnée, coupable de ne pas avoir pu la sauver, coupable de ne pas avoir su la protéger. Il avait failli envers elle comme il avait failli envers tant d'autres. Et, aujourd'hui, alors qu'il se croyait repenti, alors qu'il s'était lui-même octroyé le droit de débuter une nouvelle vie, voilà qu'il était de nouveau jugé. Il devait encore s'absoudre de ses fautes passées, car elles ne cessaient de le suivre. Adrentar n'acheva pas son troisième pas. Enfin, pas comme il l'avait souhaité. Accablé par le poids de la culpabilité, il tomba à genoux, à moins d'un mètre d'Ayumih. Elle était son bourreau, celle qui allait décider si Adrentar avait le droit de vivre après les torts qu'il avait causés. Las, envahi par le désespoir, il se contenta d'incliner la tête vers le bas, contemplant le sol. Allait-elle l'aider à se redresser, l'envoyer au sol ou se contenter de l'observer comme elle n'avait cessé de le faire depuis son entrée dans la pièce ? À son grand soulagement, une petite main délicate saisit le bas de son heaume et obligea Adrentar à relever la tête. Le reste du corps suivit et le jeune homme se redressa. Il put enfin contempler le visage d'Ayumih. Son regard paraissait vide et un air mélancolique peignait son visage. Lorsque leurs yeux se croisèrent elle émit un pâle sourire. En retour, Adrentar l'imita. Son expression se figea dès lors qu'une douleur vive se manifesta au niveau de son flan gauche. Sous le choc du coup qu'il venait de recevoir, il fit quelque pas en arrière. Ayumih tenait une dague qu'elle venait d'utiliser pour le blesser. Stupéfait, il n'eut aucune occasion de manifester son désarroi : des milliers de cris stridents se mire à retentir dans sa tête ! | |
![]() Le 07/07/2017 à 12:23:30 | Quelques semaines étaient passées depuis le réveil d'Ayumih, mais elle n'avait toujours pas trouvé de réponse à ses grandes questions : Pourquoi avait-elle quitté l'Imperium d'Elkonar pour venir sur les terres atsamiennes ? Qui était cet homme, dont les traits étaient flous, dans ses rêves ? Chaque soir, elle rêvait de la même scène : elle était dans un sanctuaire avec un homme à ses côtés dont elle n'arrivait pas à distinguer le visage, portant une des deux alliances qu'elle avait trouvé sur sa table de chevet lors de son réveil. Et le rêve s'achevait à chaque fois qu'ils s'échangeaient leurs alliances. Un autre mystère l'a perturbait également, ce collier qu'elle portait autour du cou...D'où venait-il ? Une puissante aura protectrice se dégageait de ce dernier à chaque fois qu'il s'activait, la pierre nommée Unyviel devait donc détenir une grande magie. Méritait-elle autant de pouvoir entre ses mains ? Rockeuse était revenue entre-temps auprès de son amie, et l'avait aidée à reconstruire la maison en lui coupant du bois et apportant les différents matériaux nécessaires. Mais elle n'avait pas dit un mot depuis son réveil, elle semblait être dans un autre monde, plongée dans de sombres pensées. La dragonne se coucha sur l'herbe et observa la scène silencieusement. Contrairement à Ayumih, Rockeuse n'avait pas perdu la mémoire, elle se rappelait de chaque chose en détails. Mais elle avait décidé de garder le silence pour le bien de la jeune femme. « Il serait préférable que je ne lui dise rien pour le moment, pensa l'animal, Ayumih est beaucoup trop émotive. Elle risquerait de vivre très mal les nouvelles...» Elle sortit de ses pensées et continua de guetter son amie humaine, qui essayait de réparer une des fenêtres brisées. La jeune femme n'avait jamais été très douée dans le domaine de la construction, elle semblait avoir beaucoup de mal à réparer sa demeure : le toit était de travers, les fenêtres également, et un énorme tronc d'arbre lui servait de chaise. Ayumih essuya la sueur sur son front et recula de quelques pas pour admirer son chef d'œuvre, fière d'elle. - C'est pas mal hein ?! Rockeuse fit un sourire forcé et leva les yeux au ciel. Oui, il était clair et net qu'Ayumih n'excellait pas dans ce domaine ! Elles décidèrent de rentrer à la maison et Rockeuse prit sa place habituelle devant la cheminée et s'endormit. Ayumih, elle, décida de jeter un coup d'œil aux livres présents dans la bibliothèque. Elle n'avait pas eu encore le temps de fouiller cet endroit, occupée avec le ménage et les réparations extérieures de sa maison. La bibliothèque était abondamment fournie, il y avait de nombreux livres en rapport avec la magie noire, l'alchimie et les techniques de combat. Suite au milieu dans lequel elle avait grandi, Ayumih s'intéressait beaucoup à ces sujets. Maladroite comme à son habitude, en voulant prendre un des livres coincés dans la seconde rangée, elle fit tombé tous les livres présents. Elle poussa un long soupir et commença à les ranger à nouveau un par un jusqu'à ce qu'un nom attira son attention. « Ternock Achiusk...Écaille Émeraude ? » Elle prit le livre et se dirigea lentement vers son bureau et éclaira la pièce avec une petite lampe. Elle l'ouvrit délicatement et commença sa lecture. L'histoire commençait par la vie de Lancelin et de sa femme Maria, qui s'occupait d'un bébé dont la mère biologique avait disparue du jour au lendemain. De la mort d'un ami cher à Lancelin, Frameric, par un dragon. Et ensuite d'un œuf et d'un homme étrange. Absorbée par l'histoire, Ayumih était dans un second état, comme-ci ce livre allait lui donner une part de réponse à ses questions. Elle en dévorait chaque mot, au point de ne plus entendre ce qui se passait autour d'elle. Soudain une voix masculine résonna dans la pièce et attira l'attention de la jeune humaine. Un homme était au bas de sa porte, la regardant d'un regard neutre. Il avait le même regard qu'Ayumih, des cheveux blancs en bataille et une barbe de trois jours. Il attendit quelques secondes avant d'entrer, comme s'il vérifiait quelque chose et finit par sourire. - Tu vas me laisser planter là ou j'ai le droit d'entrer ? - Aethair ! Qu'est-ce que tu fais ici ? L'homme entra d'un pas hésitant, examinant la pièce. A priori, elle ne se souvenait de rien, ni la veille de son départ de l'Imperium ni de leur dernière interaction. Il pouvait détourner cette situation en sa faveur et se servir d'elle comme bon lui semblait pour réaliser ses plans. Son sourire s'agrandit à cette idée. Il passa devant la dragonne endormie, avec une mine dégoûtée sur son visage, et alla s'installer sur le lit d'Ayumih en prenant au passage une des pommes posées dans son bac de fruits. La jeune femme laissa le livre sur la table, malgré le fait qu'elle aurait voulu poursuivre sa lecture, et se tourna face à son frère. Elle ne s'était jamais vraiment bien entendu avec lui. Il prenait des airs supérieurs et la rabaissait toujours dès qu'il en avait l'occasion. Aethair regardait la pièce en tenant les deux alliances qu'Ayumih avait posé sur sa table de chevet. Il leva les yeux et examina à nouveau sa sœur sans dire un mot et déposa les deux anneaux. - Je vois que tu es toujours aussi ennuyeuse. Il y a rien à faire ici. Et cette chose qui traine devant ta cheminée, tu comptes pas t'en débarasser un jour ? Aethair pointait du doigt Rockeuse, qui ne s'était pas encore réveillée. Il n'aimait pas les dragons, il n'avait pas hésité à en tuer un pour intégrer l'armée de l'Imperium d'Elkonar, contrairement à Ayumih qui n'avait pas osé planter sa dague dans la chair d'une de ces créatures. - En parlant de "cette chose"...dis-moi, tu avais tué quel type de dragon lors de ton admission à l'armée ? Le jeune homme écarquilla les yeux et s'étouffa avec la pomme qu'il était en train de manger. Ayumih avait vraiment perdu la mémoire, puisque le dragon qu'il avait tué était le frère de sa propre dragonne ! Aethair se leva et partit en direction de la porte. - Je ne suis pas venu te parler de ça. Nous avons un grand projet, père et moi à la surface d'Atsami. Je t'expliquerai de quoi il s'agit que si tu te décides à nous rejoindre. Je te laisse un délai d'un mois. Si tu es un vrai membre de la famille Eathal, tu viendras sans poser de question. Sur ces dernières paroles, le jeune homme sortit de la pièce. Ayumih ne comprenait rien à la situation, mais sa réponse allait sûrement être négative. Elle n'avait pas confiance en Aethair et encore moins en son géniteur, Adriss. La jeune femme retourna à son bureau, elle n'avait plus aucune envie de continuer sa lecture. Aethair avait toujours cette influence sur elle, il arrivait à lui provoquer des sautes d'humeur à chaque fois. Elle était sur le point de fermer le mystérieux livre lorsqu'elle tomba sur un mot, ou plutôt un nom qui attira son attention. - Pito ? | |
![]() Le 16/07/2017 à 10:44:11 | Adrentar chancela, grimaçant de douleur et voulut porter les mains à son crâne endolori. Mais son heaume l'empêchait d'accomplir son geste. Sa vision trouble, son ouïe saturée et la souffrance provenant de ses côtes l'empêchèrent d'apprécier la situation à sa juste valeur. De ce qu'il comprit, le chaos s'était emparé de la pièce mortuaire. Ayumih... eut-il tout juste le temps de penser, entre deux maux de crânes paralysant tous ses efforts. Où était-elle ? Il devait lui venir en aide. Et Dahokan ? Il l'avait complètement oublié depuis que la dragonnière était arrivée. Comment pouvait-il être aussi inattentionné ? Argh ! Les cris avaient subitement cessé dans l'esprit d'Adrentar, mais son flanc continuait de le faire souffrir. Du mieux qu'il put -c'est-à-dire lamentablement- il se traîna sur le sol. Il sentait qu'il ne devait pas rester au même endroit, au risque de succomber à une menace inconnue. À grand peine, il se rapprocha d'Elignear, qu'il avait laissé choir au moment où lui-même s'était agenouillé devant Ayumih. Les bruits et les images se mélangeaient dans sa tête, et il avait du mal à évaluer la situation. Il était hagard, confus. La seule chose qu'il parvenait à faire correctement était de se maudire : s'il ne se ressaisissait pas immédiatement, il y avait fort à parier qu'une lame -ou quoi que ce soit d'autre- finirait par le transpercer. Son instinct lui quémandait de bouger au plus vite ! Mais, malgré tous ses efforts, il n'y parvenait pas. Les rares moments où il était suffisamment conscient de ce qui se passait autour de lui, il ne pouvait penser à autre chose que sa douleur lancinante dans les côtes. Serrant les dents, la mâchoire crispée, Adrentar tendit le bras gauche vers l'avant, afin de trouver une prise pour se déplacer. Sa main droite, quant à elle, serrait fort la blessure pour atténuer la douleur. L'effort était vain. Le bouclier ! C'était son seul espoir ! L'éclair de lucidité qui traversa l'homme meurtri lui permis de se rappeler des bienfaits d'Elignear. S'il parvenait à s'en saisir, alors il disposerait du moment de répit nécessaire pour se remettre d'aplomb. À nouveau, Adrentar tenta de se déplacer. Telle une larve, il progressa de quelques centimètres vers la relique qui gisait, juste là, devant lui. Son éclat irréel semblait l'appeler. Dans un ultime effort, le dragonnier parvint à réunir ses forces pour tendre le bras vers le bouclier. D'un geste engourdi, il l'abattit sur l'acier de l'objet. Au moment où il allait affermir sa prise sur l'artefact, la mort fondit sur lui. Une force immense projeta Adrentar hors du sol. Dans un élan de désespoir, qui épuisa le reste d'énergie qui lui restait, il tenta une dernière fois de s'emparer du bouclier, qu'il sentait lui échapper. Le jeune homme parvint à pousser un râle d'impuissance lorsque sa main passa tout près de la relique. Néanmoins, sa douleur était si grande qu'il ne s'entendit même pas crier. En réalité, peut-être cela n'avait été qu'un gémissement. Puissant cri ou faible murmure, celui-ci avait été une expression de rage par la frustration liée à son échec, d'angoisse par la douleur grandissante et de désespoir par l'incertitude de son sort. Car, maintenant, Adrentar était certain que ses jours allaient se terminer au fond d'une caverne située au bord d'une île perdue. Malheureusement pour lui, il avait tort. Dans la semi-inconscience qui le guettait, Adrentar constata qu'il était toujours dans les airs. La confusion ne désemplissait pas et il lui sembla que parois, sol et plafond dansaient autour de lui. Puis, une odeur et une série de bruits familiers vinrent agiter les sens du malheureux. Il comprit alors que Sire Dahokan venait de le tirer hors du sol et le portait dans sa gueule. À bout de force, Adrentar jugea qu'il était en sécurité, désormais. Et si ce n'était pas le cas, il ne pouvait plus rien pour sauver ses compagnons. Dépité, il s'autorisa à sombrer dans l'inconscience. | |
![]() Le 21/07/2017 à 12:41:37 | C'est tellement nostalgique... Mais admirablement bien écrit ! ![]() | |
![]() Le 13/10/2019 à 17:10:25 | * * * L'odeur d'iode agita les narines d'Adrentar et les firent se contracter. Ce fut dans un éternuement que le jeune homme se réveilla. Il prit conscience qu'il se trouvait allongé sur une paillasse, dans une cabane en bois. Il reconnut sans peine la pièce dans laquelle il avait vécu ces derniers mois : une salle que Luka, un des pêcheurs du village, avait mise à sa disposition. Adrentar était donc de retour sein et sauf à son point de départ. Il voulut se redresser, mais une violente douleur le saisit au niveau du flanc gauche. Un léger cri franchit ses lèvres alors que, de sa main droite, il plaquait la paume sur l'origine de la contraction. Il souleva la tunique blanche avec laquelle on l'avait vêtu, pour découvrir un bandage qui faisait le tour de sa taille. Prudent, il décida de ne pas le détacher. Il préférait se mettre en quête de Luka, de Sire Dahokan ou de qui que ce soit d'autre qui pourrait le tenir informé des récents événements. Se tenant les côtes, le jeune homme sortit de son lit de paille, enfila les bottines que les pêcheurs avaient coutumes de porter. Il se rapprocha ensuite d'une bassine dans laquelle il versa l'eau contenue dans la carafe avoisinante. Il attendit que le liquide cesse de s'agiter pour y contempler son reflet. Il ne payait pas de mine... Adrentar avait les traits tirés. Ses longs cheveux étaient en bataille et une barbe négligée mordait de plus en plus ses joues. Il avait besoin d'une sacrée toilette ! Mais, pour le moment, il n'en était pas question. La tête alourdie par les mésaventures liées à l'escapade dans le tombeau pirate ne lui faisaient pas oublier ce qu'il y avait vu. Il devait savoir ce qu'étaient devenus Sire Dahokan et Ayumih, et comprendre ce qui s'était passé. Serait-il possible que la jeune femme l'aie réellement poignardé ? Adrentar avait du mal à le croire. La situation restait floue dans son esprit. D'une démarche gauche, il ouvrit la porte qui menait à la salle principale de la maison de Luka. Il n'y avait personne. Lentement, il se dirigea jusqu'au seuil et ouvrit une autre porte, donnant sur l'extérieur. Peu de personnes pouvaient se vanter de vivre avec une vue pareille sur la mer. Le soleil se couchait derrière les montagnes, projetant l'ombre de la demeure dans les vagues de l'Océan. Le bleu vif de l'eau avait quelque chose d'apaisant. Adrentar ne put s'empêcher de respirer à pleins poumons l'odeur salée du vent marin. Une légère brise venait le refroidir, annonçant que la nuit serait bien plus fraiche que n'avait du l'être la journée. Sur l'eau, quelques bateaux revenaient de parties de pêche. Des villageois attendaient déjà leur retour sur le rivage, se préparant à décharger les trouvailles du jour. Le tournis s'empara d'Adrentar, qui dut s'appuyer sur l'un des murs de la cabane pour ne pas tomber. Il était rare qu'il soit autant secoué par les épreuves mais, pour le coup, le choc avait du être rude. D'autant plus qu'il avait du mal à assembler les morceaux, et à comprendre ce qui s'était réellement passé. Il refusait de croire que Ayumih l'avait attaqué. Il devait y avoir une autre explication. Qui avaient été leurs adversaires ? D'où étaient-ils venus ? Sire Dahokan et lui avaient bien pris soin d'examiner les alentours avant d'effectuer quoi que ce soit. Le dragonnier avait besoin de réponses. Et, à défaut de meilleures solutions, il comptait bien en demander à Luka, dont le bateau revenait au village. Les questions se bousculaient dans son esprit, c'est pourquoi il décida de commencer par la plus urgente : - Où est Dahokan ? Luka venait tout juste d'arriver et Adrentar ne lui avait laissé aucun instant répit. Toutefois, le pêcheur ne semblait pas dérangé par l'absence de pause. Au vu de la réponse grave qu'il donna, il devait avoir anticipé le moment et désirait se débarrasser de cet échange au plus vite : - Ton dragon va mal, l'ami. Le ton employé était neutre : Luka faisait preuve de pragmatisme et ne cherchait pas à ménager son interlocuteur. Une pointe d'inquiétude naquit chez Adrentar qui n'eut besoin que d'un simple regard interrogateur pour avoir droit à de plus amples informations. Celles-ci prirent la forme d'un bac empli de poissons que le pêcheur tendit à l'aventurier. Ce dernier grimaça de douleur en retenant un cri, tant le poids inattendu ravivait sa blessure au flanc. Il se contenta de suivre Luka tout en portant son fardeau. Il n'était pas fâché d'arriver devant une grande cuve, dans laquelle il déversa le contenu de son bac. Il soupira doucement afin de se soulager de l'effort qu'il venait de faire, tout en prenant garde à ne pas montrer son signe de faiblesse à son compagnon. Celui-ci lui fit un signe de la tête vers les cabanes de pêcheurs et commença à marcher dans cette direction. Adrentar suivit le mutique Luka au-delà du village, jusqu'à la lisière de la jungle bordant la plage sur laquelle ils vivaient. C'est à cet endroit que les villageois, semblait-il, avaient jugé bon d'étendre Sire Dahokan qui, effectivement, n'était pas au sommet de sa forme. L'obscurité avait eu le temps de s'abattre sur l'île et Adrentar avait du mal à percevoir son compagnon. Il dut demander à Luka d'approcher la torche qu'il avait allumée en route pour examiner le corps du saurien. Celui-ci était meurtri de toutes parts. Des plaies le recouvraient en de nombreux endroits. Certaines écailles avaient carrément été arrachées. - Oh, Dahokan ! Se lamenta Adrentar, se rapprochant du dragon inconscient. Que s'est-il passé ? Demanda-t-il plus pour lui-même qu'à Luka. Ce dernier, considérant que la question lui était destinée, répondit : - Ton ami et toi êtes revenus il y a plusieurs jours. Il t'a porté jusqu'ici, avant de s'effondrer. Tu es le premier des deux à t'être réveillé. Adrentar avait écouté les explications de son hôte, cherchant à recoudre le fil de l'histoire. Il acquiesça en guise de remerciement pour ces informations, et s'approcha de Sire Dahokan. Avec tendresse, il toucha son museau. Les yeux du dragon étaient clos et sa bouche, entrouverte, comme s'il n'avait pas la force de la fermer. Au contact de sa main contre la peau du saurien, Adrentar fut submergé d'images dans son esprit. Habitué au lien qui l'unissait à son dragon, et de par la nature de celui-ci, il comprit que Sire Dahokan, malgré sa faiblesse, parvenait à communiquer avec lui, et à lui transmettre ce qu'il avait vécu dans le tombeau du pirate. Adrentar put revivre la même scène, des yeux de Dahokan. | |
![]() Le 13/10/2019 à 19:49:32 | Chic, une suite ! Espérons qu'Ayumih est vraiment sortie de son sommeil... Espérons qu'elle n'a pas suivi son frère... ni entraîné Adrentar dans de sombres projets... | |
![]() Le 25/10/2019 à 21:42:57 | [HRP] Merci Elyra pour tes commentaires enthousiastes ! Malheureusement, Ayumih ne prendra pas part à la suite de l'aventure. C'est donc seulement sous l'angle de Sire Adrentar et Sire Dahokan que vous pourrez assister à la chute d'Atsami ! [/HRP] * * * Mais que faisait-il ? Jusque là, Dahokan était parvenu à suivre les décisions de son acolyte sans trop se poser de questions. Et il partageait sa méfiance vis-à-vis des lieux. Cela l'agaçait, même, de ne pouvoir identifier la nature de cette aura néfaste qui se faisait de plus en plus pesante dans le tombeau du pirate. Mais Dahokan était un dragon parmi les plus sages et il refusait de se laisser gagner par des émotions sulfureuses. Il gardait la tête froide : après tout, il était un être au sang-froid, contrairement aux Humains. Peut-être était-ce pour cette raison que son compagnon sans écailles se comportait aussi étrangement ? Le voilà qui se dirigeait vers une surprenante silhouette qui venait d'apparaître dans l'encadrement du tunnel par lequel ils étaient entrés. Il s'agissait d'un monstre ! C'était une sorte de faucheuse, à la robe déchirée et en lambeaux, terne et grise. Il s'appuyait sur un bâton, orné d'une pierre luisant fébrilement d'un éclat pourpre. Visiblement, il avait une emprise sur le dragonnier. C'était ça, l'aura pesante qui dérangeait tant Dahokan ! Pourquoi Sire Adrentar baissait-il son arme ? C'était justement le moment de se battre ! Le saurien voulut intervenir pour rappeler Sire Adrentar à la réalité. Mais il ne réagit que trop tard. Autour d'eux, les murs semblaient prendre vie et voilà qu'une nuée de petites créatures se détachaient des parois. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, des espèces de « lutins des montagnes » -c'était le nom qui était intuitivement venu à l'esprit de Dahokan- inondaient tous les espaces de la caverne. Le dragon se sentit vite submergé ! Il remua avec vigueur et détermination pour se débarrasser de cette nuée grandissante. Comprenant l'urgence de la situation, il commença à se rapprocher de la sortie, occupée par l'étrange faucheuse. La Dragon d'Esprit eut tout juste le temps de voir l'éclat de la lame d'une dague recouverte d'inscriptions runiques, avant que le monstre ne l'enfonce dans l'abdomen de Sire Adrentar. Par une sombre sorcellerie, elle traversa l'armure blanche comme s'il s'agissait d'un rideau d'eau, pour aller se loger dans le corps du jeune homme. La noire magie à l'oeuvre était tellement puissante que Dahokan en ressentit l'échos au fond de lui. D'un geste que lui dictait la survie, il cracha un long jet de flammes, dégageant le passage jusqu'à son compagnon Humain. Les petites créatures ne désespéraient pas et continuaient de s'acharner sur Dahokan. Elles se collaient à ses écailles, essayaient de les lui arracher. Chaque interstice était une opportunité pour qu'elles y glissent leurs petites pattes chaudes et essayent d'affaiblir l'imposant dragon. Le saurien se démena pour atteindre Sire Adrentar, piétinant et repoussant ses agresseurs. La situation pressait et il sentait ses forces l'abandonner. Il ne pouvait rester en ce lieu. Dans la précipitation, il attrapa le chevalier à l'aide de ses crocs, bouscula la faucheuse et se rua vers la sortie. Les créatures se ruèrent à sa poursuite et Dahokan dut se faire violence pour mettre la plus grande distance possible entre la horde et lui. Il appuya sur ses muscles endoloris et resta les yeux rivés sur la sortie lumineuse, où la plage et l'océan attendaient les deux Atsamiens, sous un soleil radieux. Courage, il n'était plus qu'à quelques mètres ! Sans même se retourner pour savoir où se trouvaient les agresseurs, le dragon poursuivit sur sa lancée. Dès lors qu'il sentit la chaleur du soleil sur sa peau écailleuse, il ne réfléchit pas un instant et étendit ses ailes. L'effort lui fut coûteux, l'une de ses membranes était déchirée. Néanmoins, ils étaient saufs. Dahokan ne s'autorisa à atterrir qu'une fois l'entrée de la grotte hors de vue. Il puisa ensuite dans ses dernières forces pour atteindre le village où Sire Adrentar et lui avaient été accueillis. Épuisé, il accepta que les ténèbres l'envahissent lorsque des pêcheurs inquiets s'approchèrent d'eux. * * * | |
![]() Le 29/10/2019 à 11:08:59 | Dommage... A toi de compenser son absence et de répondre aux questions que le début de son récit a soulevé ! | |
![]() Le 11/03/2020 à 14:07:25 | [HRP] Je ferai au mieux ! [/HRP] * * * C'était à n'y rien comprendre. Quelles étaient ces créatures étranges ? Et par quelle sorcellerie Adrentar avait-il été dupé ? En contemplant le corps abîmé de son compagnon ailé, il chercha à se remémorer tout ce qui s'était passé depuis leur entrée dans la grotte. Était-ce à cause de cette magie noire qu'il s'était mis à repenser à Ayumih, alors qu'il s'était efforcé, jusque-là, à enfouir ses souvenirs au plus profond de son âme ? Adrentar, qui était resté accroupi, se redressa. Il ne s'en était pas rendu compte : Luka s'était éclipsé, laissant le flambeau planté dans le sable. Le jeune homme regarda un instant autour de lui mais, dans la pénombre, ne put rien distinguer. Les villageois semblaient avoir, une nouvelle fois, laissé les deux compagnons à leur sort. Après tout, selon les dires de Luka, ils avaient dormi plusieurs jours. Un événement magique comme la vision que venait d'avoir Adrentar ne devait plus avoir de quoi les surprendre. Adrentar se saisit de la torche et l'approcha de Sire Dahokan, afin d'examiner son état. Toutes ces petites griffes étaient parvenues à marquer des entailles profondes dans les écailles du dragon. Chose surprenante, au vu de leur épaisseur. À la lumière de la torche, Adrentar éclaira le visage, dont les paupières étaient closes. La langue dépassait légèrement de la bouche. Ce n'était pas le Dahokan assoupi, dormant d'un sommeil paisible, qu'Adrentar connaissait. Là, le saurien était en piteux état. Le dragonnier n'avait jamais vu son compagnon aussi affaibli. Et ça l'inquiétait. Lui qui était preux et allait au devant des dangers, se languissait désormais de l'avenir de son compagnon de route. Adrentar soupira. D'habitude, c'était Sire Dahokan, le soigneur. Néanmoins, peut-être parviendrait-il à puiser dans leur lien magique pour prodiguer quelques soins mineurs ? D'un geste résolu, le jeune homme planta le flambeau dans le sable, juste à côté du dragon. Il s'agenouilla en face de lui, et s'approché de son visage. D'une main délicate, il appuya sur le cou de Sire Dahokan. La créature ne réagit pas. Mais le jeune homme sentit la puissance du lien qui les unissait. Il ferma les yeux et se concentra sur leur énergie commune. Il laissa son esprit dériver vers elle. Adrentar ressentait l'aura, affaiblie, de son lié. Leurs âmes semblaient aller à la rencontre l'une de l'autre et se mélanger. L'Humain sentit la puissance -bien que diminuée- du dragon et, surtout, sa sagesse. Il put puiser dans sa magie pour en révéler le meilleur. De ses paupières clauses, il sentit l'éclat de lumière jaillir de ses mains, au moment même où une douce chaleur se répandait dans le corps du saurien. Paisiblement, le jeune homme ouvrit les yeux. Rien n'avait changé. La lumière de la torche, plantée dans le sol, éclairait toujours un visage hagard, meurtri et inanimé. Sire Dahokan serait mort, il ferait certainement la même tête. Pourtant, Adrentar avait bien compris qu'une étincelle de vie habitait toujours son compagnon. Le chevalier se pencha à l'oreille du dragon et murmura, d'un ton qui se voulait paisible : - Souviens-toi. Souviens-toi, pensa-t-il, de la neige des Montagnes du Nord, qui perduraient malgré les rayons du soleil. Souviens-toi des chevaux qui galopaient dans les plaines du Deuxième Souterrain. Souviens-toi du soleil qui, en se levant, éclairait les toits de Taourthiri. Souviens-toi du rire de Dame Elyra. Souviens-toi de Xul qui escaladait les arbres. - Souviens-toi d'Atsami, résuma-t-il. À peine Adrentar avait-il achevé sa phrase que le vent se leva. Le sable se mit à tournoyer autour d'eux. La flamme de la torche vacilla grandement, sans pour autant s'éteindre. Le chevalier voulut se redresser, mais n'y parvint pas. Une douce sensation de chaleur habitait son être et tous les éléments dansaient autour de lui. Lorsqu'Adrentar fut enfin debout, il vacilla, comme si une bourrasque avait voulu le désarçonner. Une fois remis de ses émotions, il regarda autour de lui. Ce n'était plus la lisière d'une forêt qu'il avait en face de lui. C'était du vide. Dans l'obscurité, Adrentar ne voyait pas grand chose, mais il ne ressentait plus la présence imposante de la forêt. Le bruit avait changé, lui aussi. Il n'y avait pas fait attention jusque là, mais plus de virevoltements d'insectes. Seule une légère brise soufflait. Dans le ciel, la lune n'était plus au même endroit. Perturbé, le jeune homme tourna quelque peu sur lui-même. La torche avait disparue. Heureusement, non loin de là, un feu de camp mourant éclairait quelque peu les environs. D'un pas décidé, Adrentar s'en approcha. Il put ainsi constater qu'à ses pieds se trouvait de l'herbe et non plus du sable. Que venait-il de se passer ? Plus il s'approchait du feu de camp, plus il réalisait que ce n'en était pas un. Une odeur âcre emplissait ses narines. Une odeur infecte. Ça n'avait jamais été un feu de camp. Il s'agissait des restes d'un charnier. Voilà qu'Adrentar se trouvait au milieu de nulle part, dans l'obscurité, entouré de cadavres... et sans la moindre trace de Sire Dahokan. | |
![]() Le 12/03/2020 à 13:47:10 | Ah Formidable usage du sort de soin... Non sans rire, où se trouve donc Sire Adrentar désormais ? Comment a-t-il fait ça ? Et question au passage : où est Taourthiri ? Où est-ce que j'ai déjà lu ce nom là ? [EDIT] ah c'est bon, trouvé, le wiki pourra être enrichi. | |
![]() Le 19/04/2020 à 18:37:25 | [HRP] Quelle cachotière tu fais ! Taourthiri est le village dans lequel Dahokan a grandi. C'est aussi là-bas qu'Adrentar a décidé de devenir Chevalier. C'était au début de l'an XI. (Cette jolie histoire se trouve dans le topic 17810.) Les événements retracés dans le topic actuel se passent à la fin de l'an XII, soit dix-huit mois avant la Bataille d'Urcendia. [/HRP] Le jeune homme ne se laissa pas décourager pour autant. Il s'empara d'un bout de bois suffisamment gros et le plaça dans le feu, afin d'en faire une torche. Ça ne tiendrait pas longtemps, mais ça suffirait à éclairer un peu la situation. Du moins, l'espérait-il. Le crépitement des flammes était le son audible aux oreilles d'Adrentar. Même les oiseaux paraissaient morts. Les bruits de la nuit avaient disparu : seul un silence de mort pesait dans l'inquiétante obscurité. De sa main libre, le jeune homme se couvrit le nez, tant l'odeur était difficilement supportable. La faible luminosité des restes du charnier rendait impossible le décompte des corps brûlés, mais il paraissait y en avoir un certain nombre. Sans trop s'attarder, Adrentar passa sa torche au dessus des cadavres les plus proches. Il ne parvenait qu'à distinguer des traits défigurés, des vêtements en lambeau et, surtout, des matières brulées. Rien n'indiquait la quelconque provenance de ces malheureux. Voyant que la piste pouvant l'orienter sur les événements récents s'était refroidie, Adrentar revint sur ses pas. Il désirait s'éloigner rapidement de ce lieu de mort. Pour le moment, la meilleure chose qu'il pouvait faire était de trouver un endroit où s'abriter pour attendre le lever du jour. Et, comme si la chance avait définitivement décidé de l'abandonner, voilà que la torche improvisée du chevalier s'éteignit à son tour. Or, être tout seul, dans le froid, l'obscurité et à côté d'un charnier n'avait vraiment rien de rassurant. Adrentar prit le temps de soupirer un bon coup. Pourquoi s'inquiéter ? Il regretta aussitôt de s'être posé la question, au vu du flot de réponses qui lui traversa l'esprit. Le jeune homme tâcha de les ignorer et prit une grande inspiration pour s'armer de courage. D'un pas décidé, il s'éloigna davantage du lieu macabre. Il leva la tête, afin de lire les étoiles. Où était-il ? Dans quelle direction devait-il se rendre pour trouver un abri ? Sa seule certitude était que rester ici et attendre était la dernière des choses à faire. D'un autre côté, Adrentar se voyait mal vagabonder seul dans la nuit avec, pour seul équipement, l'épée qui pendait à sa ceinture. Il était démuni, les mains vides. Et il avait froid. Sa seule compagnie était le souffle léger de la brise et le son de sa propre respiration. Plongé dans sa solitude, une seule idée revenait sans cesse à l'esprit d'Adrentar. Il se tenait à quelques pas d'un massacre. Il était peu probable que les personnes qui avaient commis un tel carnage reviennent sur leurs pas. L'endroit le plus sûr pour passer la nuit était certainement au milieu des cadavres. Et la seule éventualité de passer une telle nuit donnait la nausée au chevalier. D'ailleurs, était-ce réellement digne d'un chevalier que de dormir au milieu des morts ? En un sens, cela revenait à souiller leurs dépouilles. Et puis, ce n'était que pure folie. Du moment qu'Adrentar ignorait ce qui s'était passé, il préférait ne pas trop s'approcher des cadavres. Qui sait ce qui pouvait réveiller un mort ? Réalisant que le sommeil ne viendrait pas, Adrentar se résolut à s'asseoir par terre et à attendre la venue du jour. En très peu de temps, beaucoup d'événements s'étaient enchaînés et le chevalier était trop agité pour pouvoir se reposer. Assis en tailleur, il décida de faire le point sur la situation, tout en jetant des regards circulaires de temps à autre, pour vérifier que rien d'inhabituel ne se passait. Mais puisqu'il était dans un endroit inconnu, il lui était fort difficile de savoir ce qui pouvait être inhabituel. Cette plaine ressemblait à tant d'autres comme il avait pu connaître. Adrentar ne prit pas le temps d'étudier la géographie des lieux. Son esprit ne pouvait se défaire des événements récents. La prudence serait pour une autre nuit. Deux années auparavant, Adrentar et Sire Dahokan étaient partis en quête d'une relique pour lier les chevaliers d'Atsami. Jusque là, il suivait. Ils avaient fini par la trouver dans les Îles Est-Argent et c'est à ce moment précis que les ennuis avaient débuté. D'abord cette étrange illusion qui avait pris la forme d'un être cher perdu, puis le sauvetage in extremis de Dahokan. Le dragon était très affaibli, tout comme le dragonnier, dont la douleur au flanc le relançait de temps à autre. Et puis, soudain, cette plaine nocturne envahie par des cadavres. Ah, plus que jamais, Adrentar se sentait perdu ! De rage, il tapa du poing contre la terre humide ! Il se mit sur ses jambes : il avait besoin de marcher. Sa consternation l'empêchait de dormir et de réfléchir convenablement. Le jeune homme passa l'une des pires nuits qu'il n'ait jamais connues. Il ne parvint pas à trouver le sommeil et se contenta de faire les cent pas en cercle. De temps en temps, il s'arrêtait pour s'asseoir ou s'allonger, tentant parfois de dormir. En vain. Même les yeux clos, il demeurait aux aguets, attentif au moindre bruit, à la moindre brise, qui pouvait l'alerter d'un danger imminent. Rien ne se produisit. Il ne savait s'il devait remercier les Dieux pour la nuit sans encombre qu'il venait de passer, ou s'il devait regretter l'absence de toute menace réelle, qui l'avait maintenu éveillé pour rien. De toute manière, il ne pouvait décemment fermer l'oeil aux abords d'un charnier encore fumant. Avec les premières lueurs du jour vint le réconfort. Adrentar comprit que sa nuit de cauchemar touchait à sa fin. Pressé de quitter cet endroit, il dut néanmoins attendre un moment avant que la lumière soit suffisante pour voir aux alentours. Après toute cette nuit d'attente, il aurait été stupide de partir dans la précipitation. Sa patience fut récompensée lorsqu'il en découvrit plus sur son environnement. Le jeune homme se trouvait effectivement au milieu d'une plaine et, la bonne nouvelle était la route non-loin de là. Adrentar pouvait donc supposer qu'il était près d'un axe de passage. Il restait à savoir si les dernières personnes ayant emprunté cette route, probablement les auteurs du charnier, lui seraient hostiles ou non. Le meilleur moyen de le savoir était d'inspecter à nouveau la montagne de cadavres. À la lumière du jour naissant, peut-être le pauvre bougre aurait-il plus de chances ? Prenant son courage à deux mains et surmontant un haut-le-coeur naissant, Adrentar décida de revenir sur ses pas. Néanmoins, il n'arriva pas tout de suite jusqu'au charnier. Les nouveaux rayons du soleil révélèrent un objet au sol, que le jeune homme n'avait pu voir jusque là. Son œil expert reconnu immédiatement un œuf vert : celui d'un dragon. Adrentar resta interdit, n'osant réellement penser ce qui lui traversait l'esprit. Cela paraissait invraisemblable, mais pas impossible. Était-il envisageable que cet œuf soit Dahokan ? Le dragon, blessé à mort, aurait-il tout juste effectué sa première renaissance, ce phénomène au cours duquel un dragon redevient oeuf et est transporté en un autre lieu ? Cela expliquerait en effet le soudain changement d'environnement, notamment le déplacement de la lune dans le ciel. Adrentar sortit soudain de son état de stupeur pour se précipiter vers l'œuf, qu'il ramassa avec précaution. À son contact, la coquille se mit à se fissurer. Très délicatement, une patte griffue en sortit, tâtonnant la surface comme pour en juger l'étendue. Elle finit par rentrer à l'intérieur, avant de laisser place à un museau qui travailla à élargir le trou. À renforts de légers coups de pattes, la tête sortit finalement, suivie par le reste du corps. Adrentar reconnut immédiatement son compagnon et le serra dans ses bras, laissant échapper un cri de joie ! Le dragonnier fut soulagé de constater que Sire Dahokan n'avait plus aucune séquelle de leur aventure passée. Une fois les retrouvailles terminées -Sire Dahokan, alors nouveau né, n'avait pas dit un mot. Mais, Adrentar sentait qu'il retrouverait très rapidement l'usage de la communication par télépathie- le duo se dirigea vers le charnier. Adrentar afficha de nouveau un visage lugubre. Même si la présence de son camarade le réconfortait, il redoutait ce qu'il allait découvrir dans cet amoncellement de cadavres. Ces dernières années, les deux compagnons avaient beaucoup voyagé. Ils avaient rencontré plusieurs civilisations et échangé avec plusieurs cultures. Le jeune homme avait toujours été fasciné par les différences de traditions et de rites parmi la multitude de peuplades qu'il avait pu rencontrer. Certaines se distinguaient par les vêtements qu'elles portaient, d'autres par leurs rituels religieux ou par leur mode de vie. Une chose était certaine, Adrentar était capable de reconnaître un Atsamien lorsqu'il en voyait un. Et, en ce moment, à la lumière du soleil naissant, il pouvait affirmer que le charnier en était rempli. Qui étaient-ils ? Que leur était-il arrivé ? Les questions se bousculaient dans l'esprit du dragonnier. Pourtant, l'une d'entre elle -il ignorait pourquoi- le prenait aux tripes. Elle éveillait quelque chose de profond en lui. Il ne comprenait pas pourquoi elle s'imposait sur les autres, mais il la savait d'une importance particulière : pourquoi, à chaque naissance de Dahokan, Adrentar se retrouvait-il inexorablement ramené en Atsami ? | |
![]() Le 10/05/2020 à 18:18:19 | Plop ! (le bruit du suspens qui disparaît) Ouf, tout le monde va bien (enfin, sauf les cadavres, encore que, sur Atsami, la mort n'est pas toujours définitive, peut-être pourront-ils choisir entre le Sanctuaire ou les marécages ?)). Dahokan est originaire d'Atsami après tout. Mais peut-être que si le chevalier blanc s'en étonne autant, c'est que ce ne sont pas seulement de glorieuses quêtes qui l'emmènent au loin, mais un désir de s'éloigner de son passé ? J'ai hâte de lire la suite. Peut-être finirons nous par savoir ce qu'est devenu Messire Adrentar entre l'an XII et l'an XIV ? Et si Sire Dahokan pourra un jour le retrouver ! | |
![]() Dumvita Le 04/08/2023 à 19:17:25 | Salut mon livre. violet - Drakkan De perle et diamant. blanc - Memnock Je suis écrivain. jaune - Ranemon | |
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